Rugosité, masse, mutation.
Transcription à l'encre de la matière rocheuse. Dessin
rapide sur un papier qui se déforme en absorbant l'eau et laisse apparaître sa
tranche. La forme prend une grande partie de la surface du papier, elle est
proéminente et oscille entre la tâche, les traits du pinceau et la
représentation d'un volume massif aux aspérités rugueuses et dures. Forme
centrale et frontale, en lévitation ou en chute, elle évoque une solidité mais
également un mouvement, un mécanisme lent de transformation et d'expansion.
Il y a le procédé du déplacement et celui de l’ellipse. Je
choisis des objets existants que je sépare de leur contexte : ils deviennent des
motifs que je m’approprie en déplaçant ou occultant un élément de leur
constitution. Une brèche s’ouvre de l’objet réel à l’objet représenté, je crée
un écart pour mieux me distancier de l’objet réel, le réinterpréter, lui donner
un sens nouveau, le subvertir. Mes sculptures se situent dans un entre-deux qui
les rendent instables et ambigües.
Formée à la broderie, je défais ce savoir-faire en le
détournant : dans sa technicité, par le déplacement de matériaux et dans sa
fonction décorative par le choix de motifs inappropriés.
Je m’intéresse à la présence de l’objet et à sa valeur
physique. Mon processus de travail est manuel et implique le corps dans un
rapport performatif au matériau. Je me lance dans des entreprises dont l’issue
est incertaine et les problèmes se résolvent au fur et à mesure. Cela exige
parfois des temps longs de travail et me met à l’épreuve physique et
psychologique.
Je me donne une règle, un principe conceptuel, que
j’applique de manière répétitive, dans un laps de temps indéfini. La matière
choisie vient interférer avec le cadre : souvent réfractaire, elle crée des
déviations, des aléas de parcours, des trames imparfaites. La réalisation de la
plupart de mes pièces ne relève pas d’une technique, mais d’actions simples
telles que : coudre, tisser, superposer, modeler.
A travers mon travail
j’expérimente différentes temporalités et je questionne les notions contraires
de force et fragilité, de lien et absence de lien, de continuité et
discontinuité.
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